Depuis quelque temps, une nouvelle classe de médicaments a fait son apparition sur le marché européen pour traiter le diabète de type 2 : les inhibiteurs de cotransporteur sodium-glucose de type 2 (iSGLT2). Au Luxembourg, trois molécules de cette nouvelle classe thérapeutique sont déjà disponibles (dapagliflozine (Forxiga®), canagliflozine (Invokana®), empagliflozine (Jardiance®)). L’originalité des iSGLT2 est d’agir sur le rein, un acteur de la physiopathologie du diabète de type 2 oublié jusqu’à peu. Nous nous sommes intéressés aux possibles promesses de ces nouveaux médicaments.
Le rôle du rein dans la filtration du sucre
Normalement, que ce soit chez une personne saine ou diabétique, notre rein produit environ 120 litre d’une « pré-urine ». Cette première filtration contient du sucre et autres substances utiles pour notre corps. Par la suite, les minéraux ainsi que le sucre et la grande partie de l’eau sont réabsorbés dans notre corps, les 1,5-2,5 litres d’urine éliminés quotidiennement ne contiennent, en l’absence de maladie, ni sucre, ni protéines, et les déchets à éliminer y sont concentrés.
La réabsorption du sucre (glucose) se fait grâce à l’action d’une pompe (un transporteur de glucose appelée la SGLT2) qui va rechercher le sucre dans l’urine pour le retourner dans le sang. Cette pompe est tellement efficace que chez une personne non diabétique tout le sucre qui est initialement filtré au niveau de l’urine est à 100% réabsorbé.
Toutefois lorsque la glycémie dans le sang dépasse de beaucoup la normale (plus de 180mg/dl), la capacité du système de transport du glucose par le rein est dépassée et on commence à retrouver des quantités croissantes de sucre dans l’urine (la glycosurie). Ce qui explique pourquoi les tests d’urine faits avec des bandelettes chez les personnes diabétiques démontrent souvent la présence de glucose dans l’urine.
Toutefois, en cas de diabète, on a pu constater que le transport du sucre effectué par la SGLT2 vers le sang était plus efficace que normalement. C’est ce qui explique que chez les personnes diabétiques, même si la glycémie mesurée dans le sang au glucomètre est élevée, on ne retrouve pas nécessairement du sucre dans l’urine.
Le fonctionnement des inhibiteurs de la SGLT2
Il existe deux pompes à glucose au niveau rénal qui sont appelées SGLT2 et SGLT1. La SGLT2 est la plus importante des deux, puisqu’elle est responsable de la réabsorption de plus de 90% du sucre.
Les iSGLT2 bloquent l’action de la pompe et une partie du glucose non réabsorbé va se retrouver dans les urines et être éliminé, abaissant ainsi le sucre du sang et faisant perdre de même environ 240 à 400 kcal.
Les inhibiteurs de la SGLT2 provoquent donc une glycosurie artificielle et améliorent ainsi les glycémies tout en réduisant le poids par une perte de calories dans les urines.
Même si cette perte de poids n’est pas majeure (entre 3-4% du poids, principalement aux dépens de la masse grasse), c’est toujours bon à prendre, car d’autres traitements hypoglycémiants font malheureusement prendre du poids, ce qui n’est pas bon pour le syndrome métabolique. Globalement, l’amélioration de l’HbA1c est de l’ordre de 0,7 % en moyenne, avec les trois produits disponibles, le bénéfice portant à la fois sur la glycémie à jeun et sur les glycémies postprandiales.
L’action des iSGLT2 est indépendante de l’insulinosécrétion résiduelle : leur efficacité est donc pratiquement équivalente à tous les stades du diabète de type 2, y compris les plus tardifs. En outre, leur mode d’action spécifique permet d’envisager leur association à tous les autres traitements du diabète.
Du fait de leur mode d’action, les iSGLT2 vont exercer d’autres effets favorables chez les patients diabétiques. En effet, le blocage du transporteur du glucose au niveau du rein amène une perte de sucre et de l’eau liée à ce sucre, ce qui contribue à abaisser la pression artérielle.
Des personnes sous traitement anti-hypertenseur sont parfois obligées d’adapter les doses, les diurétiques doivent souvent être réduits (surtout chez les personnes plus âgées) pour ne pas induire d’hypotension orthostatique (baisse de la tension artérielle lors du passage de la position couchée à la position debout).
Effets secondaires
Les iSGLT2 n’induisent pas d’hypoglycémie puisqu’ils ne stimulent pas directement la sécrétion d’insuline, mais le risque existe en cas d’association à un sulfamide hypoglycémiant ou à l’insuline.
Un autre effet secondaire possible est le risque d’infections urinaires basses et surtout génitales (vulvovaginite chez la femme, balanite chez l’homme), en particulier lors des premiers mois de traitement ; ces infections génitales sont plus fréquentes chez la femme (jusqu’à 10-15 %) que chez l’homme (3-8 %), sont le plus souvent sans gravité, répondent bien aux antifongiques locaux et ne sont généralement pas récidivantes.
Chez les patients qui présentent une insuffisance rénale avec un débit de filtration abaissé, les iSGLT2 sont peu efficaces et non recommandés voire contre-indiqués à partir d’un certain degré.
Parmi les autres effets adverses incomplètement compris, on note une élévation modérée du LDL-Cholestérol (mauvais cholestérol), mais dans certains, cas le HDL-Cholestérol (bon cholestérol) augmente également.
Récemment, une grande étude (EMPA-REG), menée sur plus de 7 000 patients atteints de diabète de type 2 a été présentée au congrès annuel européen de diabétologie de l’EASD. Pour la première fois, l’effet bénéfique d’un anti-diabétique sur le système cardiovasculaire a été démontré. Cette étude, destinée à vérifier la sécurité de l’empaglifozine appartenant à la famille des iSGLT2, a pu démontrer une forte réduction de la fréquence de cas de maladies cardiovasculaires (infarctus du cœur, insuffisance cardiaque) et également autour de 30% de réduction de mortalité chez les patients diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire.
Conclusions
Aussi bien les sociétés savantes (EASD/ADA ) que les praticiens s’accordent pour utiliser cette nouvelle classe thérapeutique dans le diabète de type 2 assez précocement. Les résultats sont prometteurs parce qu’un seul traitement améliore plusieurs problèmes du syndrome métabolique avec une seule molécule. Cette classe de médicaments a un bel avenir si les effets de réduction de maladies cardiovasculaires et de mortalité se confirment dans de futures études.
article pour le journal de l’ALD, www.ald.lu
Sources : – Pr P Darmon CHU Ste Marguerite, Marseille Le quotidien du médecin (Médecine & Santé publique) mars 2015 – n° 9396 et (1) Inzucchi SE et al. Diabetes Care 2015;38:140-9
– Les inhibiteurs de la SGLT2 Dr Claude Garceau (Jan 2015) guidelines.diabetes.ca