La chirurgie bariatrique (chirurgie consistant à restreindre l’absorption des aliments, diminuant, de fait, l’apport calorique journalier afin de lutter contre l’obésité) a fait d’énormes progrès dans les dernières décennies.
Cette technique néanmoins lourde est réservée en cas d’obésité majeure, dite « morbide », caractérisée par un indice de masse corporelle supérieur à 40 kg/m², avec échec des différentes tentatives de régime amaigrissant.
Elle regroupe un ensemble de techniques qui peuvent être classées en deux types principaux d’interventions.
Les premières visent à réduire la capacité gastrique, c’est-à-dire le volume utile de l’estomac, et/ou, à réduire la vitesse de vidange de l’estomac afin d’obtenir un sentiment de satiété plus rapidement (anneau gastrique).
Les secondes, dites mixtes, associent à cette restriction gastrique la création d’un système de dérivation dans le tube digestif afin de diminuer l’absorption des éléments nutritifs par l’intestin.
Son efficacité sur la perte de poids est entre 20-40% du poids initial. Cette réduction pondérale s’accompagne d’une amélioration de l’hypertension artérielle, du bilan lipidique et la guérison d’un diabète pré-existant dans plus de trois-quart des cas. Elle diminue même sensiblement la mortalité cardio-vasculaires et générales des patients obèses.
Chose curieuse, l’amélioration de la glycémie est très précoce, avant même la perte de poids spectaculaire.
L’analyse des données disponibles indique que les différentes techniques de chirurgie bariatrique sont efficaces.
Dans l’ensemble, les techniques mixtes, qui associent restriction gastrique et malabsorption intestinale, sont plus efficaces que les interventions qui ne font que réduire la capacité gastrique.
Les techniques laparoscopiques offrent quant à elles de nombreux avantages, comme une réduction de la durée d’hospitalisation, bien qu’elles ne soient pas exemptes de complications. Seules deux approches laparoscopiques sont assez au point et leurs effets assez connus pour ne plus être considérées comme expérimentales.
Les patients qui subissent une importante perte de poids doivent être suivis par une équipe multidisciplinaire qui, en plus de l’équipe chirurgicale (notamment attentive aux complications précoces et tardives), inclut des nutritionnistes, des psychologues et des médecins spécialistes. Une chirurgie plastique est souvent nécessaire dans un 2e temps.
Dans l’ensemble, la chirurgie bariatrique s’avère une intervention coûteuse. En revanche, ses coûts pourraient être compensés en grande partie par la diminution de la prévalence des maladies associées à l’obésité (maladies cardiaques et diabète, par exemple), par la réduction de leurs conséquences sur l’utilisation des ressources du système de santé et des pertes de productivité causées par l’incapacité, de même que par l’amélioration de la qualité de vie des patients.
Certains patients peuvent même arrêter leur thérapie hypoglycémiante et des publications sur de petites séries de patients arrivent où ce type de chirurgie fut appliqué chez des diabétiques n’ayant même pas une obésité morbide.
Malheureusement, nous n’avons pas encore de preuve formelle pour comprendre ce phénomène. Un début d’explication réside dans ce que l’on appelle «l’effet incrétine»[1]. Depuis longtemps, on a observé que l’ingestion de glucose a sur la sécrétion d’insuline un effet bien plus important qu’une infusion intraveineuse de glucose. On en a conclu que l’arrivée de glucose au niveau de l’intestin déclencherait un signal potentialisant la sécrétion d’insuline, en plus du stimulus constitué par l’hyperglycémie post-prandiale. On suppose qu’il existe un système régulateur également stimulé par l’arrivée du glucose au niveau intestinal. On a nommé ce système régulateur, à défaut de mieux, «effet anti-incrétine» car si cet «effet incrétine» n’avait pas de régulation, on pourrait imaginer que cette stimulation insulinique aurait des conséquences néfastes : de graves hypoglycémies.
Les diabétiques de type 1 n’en profitent pas. On a également observé que les patients souffrant d’un diabète de longue durée (plus de dix ans) n’ont pas ou peu d’amélioration de leur profil glycémique, ce qui est logique : les incrétines ne peuvent pas avoir d’effets sur un pancréas ne sécrétant pratiquement plus d’insuline.
On ne peut véritablement parler de guérison car cette intervention ne fait que corriger transitoirement un des nombreux mécanismes intervenant dans la genèse du diabète de type 2.
Sources :
1. NIH conference. Gastrointestinal surgery for severe obesity. Consensus Development Conference Panel [archive], Ann Intern Med, 1991:15:956-61.
2. Sjöström L, Peltonen M, Jacobson P et al. Bariatric surgery and long-term cardiovascular events [archive], JAMA, 2012;307:56-65
3. Sjöström L, Narbro K, Sjöström CD et al. Effects of bariatric surgery on mortality in Swedish obese subjects [archive], N Engl J Med , 2007;357:741–752
4. Adams TD, Gress RE, Smith SC et al. Long-term mortality after gastric bypass surgery [archive], N Engl J Med, 2007;357:753–761
5. Colquitt J, Clegg A, Loveman E, Royle P, Sidhu MK, Surgery for morbid obesity [archive], Cochrane Database Syst Rev, 2005: CD003641
6. Buchwald H, Avidor Y, Braunwald E, Jensen MD, Pories W, Fahrbach K, Schoelles K, Bariatric surgery: a systematic review and meta-analysis [archive], JAMA, 2004;292:1724–1737
7. Pories WJ, Swanson MS, MacDonald KG et Als. Who would have thought it? An operation proves to be the most effective therapy for adult-onset diabetes mellitus [archive], Ann Surg, 1995;222:339–350
8. Sjostrom L, Lindroos AK, Peltonen M, Torgerson J, Bouchard C, Carlsson B, et als. Lifestyle, diabetes, and cardiovascular risk factors 10 years after bariatric surgery [archive], N Engl J Med, 2004;351:2683-93
[1] Deux hormones sont en cause, le GIP (pour glucose sensitive insulinotropic polypeptide) et le GLP-1 (pour glucagon like peptide 1), sécrétées par des cellules situées au niveau du duodénum et de la dernière partie de l’intestin grêle. La libération de ces hormones est due au contact des cellules sécrétrices avec le glucose.