Des interventions visant à modifier le style de vie dans le prédiabète pourraient être rentables de façon économique et durable au-delà du bénéfice santé. Les bénéfices des programmes de promotion d’une alimentation saine et d’une activité physique régulière aux personnes concernées pourraient durer plus de 10 ans, selon une étude récente. Ces programmes incluent la plupart du temps des séances d’information générale en petits groupes, des séances de cours de cuisine, des consultations individuelles multidisciplinaires (diététicienne, coach sportif,…) et durent entre 24 et 36 semaines avec une séance par semaine, puis des « rappels » plus espacés.
Les essais cliniques ont démontré que les conseils de ces programmes, dits cognitivocomportementaux et, pour certains, des traitements médicamenteux (metformine, acarbose, orlistat), peuvent prévenir ou retarder le diabète chez les populations à haut risque.
Mais malheureusement 90 % des personnes atteintes de prédiabète ne savent même pas qu’elles ont des niveaux élevés de glucose dans le sang, selon le CDCP (Centers for Disease Control and Prevention des Etats Unis d’Amérique), et ne profitent donc pas de ces programmes de prévention.
Dans cette étude, les auteurs ont utilisé un modèle de simulation (modèle de Markov) pour estimer le potentiel santé à long terme et les avantages économiques d’une éducation thérapeutique pour un changement de mode de vie sur la population totale et des sous-ensembles de personnes en prédiabète aux Etats Unis, répondant à des critères de dépistage de l’ADA (Americain Diabetes Association) et USPSTF (U.S. Preventive Services Task Force).
Sur une durée de plus de 10 ans, l’intervention de modification du style de vie est estimée réduire l’apparition de nouveaux cas de diabète de 41 %, éviter l’insuffisance cardiaque de 33 %, diminuer la cardiopathie ischémique (maladie des artères qui vascularisent le cœur) de 22 % et la mortalité globale de 20 %. Les dépenses médicales économisées se cumulaient à $ 6 300 par personne, tandis que les économies des prestations non médicales (principalement de l’augmentation de l’emploi et du revenu des ménages) seraient de $ 11 500. La valeur des avantages économiques bruts de cette intervention s’élèverait donc en moyenne à $ 17 800 par personne sur 10 ans.
Si ces avantages étaient calculés sur l’ensemble de la population de personnes touchées de prédiabète, sur 10 ans, les Etats Unies pourraient, grâce à ces interventions sur le style de vie, prévenir plus de 11,4 millions de cas de diabète, éviter $ 539 000 000 000 en frais médicaux, créer des gains de $ 992 000 000 000 en prestations non médicales, et gagner près de 30 millions de « qualité-années de vie » (Le QALY de l’anglais quality-adjusted life year, année de vie pondérée par la qualité de vie). Dans ces simulations, l’intervention de style de vie serait rentable sur 10 ans pour toutes les sous-populations modélisées. Pour les personnes de 75 ans et plus cependant, les économies moyennes sont plus petites que pour les populations plus jeunes, étant donné que la durée de vie restante est plus courte pour « récolter » les avantages de l’intervention.
Les résultats suggèrent même que les avantages continuent bien au-delà de 10 ans, surtout pour les populations plus jeunes qui participent aux programmes d’intervention sur le mode de vie.
Conclusion : Cette étude a aidé à quantifier ce que les médecins cliniciens savent déjà depuis une quinzaine d’années : si les patients en surpoids ou obèses avec prédiabète font des changements de style de vie modestes, ils peuvent prévenir ou retarder l’apparition du diabète. De même, cela retarde d’autant les complications de type maladies cardiovasculaires, ce qui conduit à une meilleure santé et qualité de vie dans les années à venir. Dans le nouveau projet de directive de la « Preventive Services Task Force » des États-Unis pour le dépistage du diabète et le prédiabète, seront inclus des recommandations de mise en place d’interventions de style de vie comme « thérapie de première ligne » pour les personnes atteintes de prédiabète. Ceci figure aussi dans les recommandations de l’ADA, mais sur le terrain il manque crucialement de structures, de personnel formé et de ressources financières pour pouvoir offrir de l’aide aux personnes le plus à risque. Bien que les chercheurs n’ont procédé qu’à une analyse coût-efficacité, ils ont estimé que le dépistage de personnes prédiabétiques est peu coûteux et que les interventions similaires au programme de prévention du diabète peuvent être obtenues pour $ 2 300 ou moins sur 10 ans.
Ces programmes de gestion du mode de vie pourront également aider à prévenir les complications de l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, la dépression, voire certains cancers.
Cette étude souligne l’importance de l’identification des personnes à risque de diabète, afin qu’elles puissent recevoir des conseils et un traitement approprié. Il est temps d’empêcher une maladie évitable.
Source : Am J Prev Med 2014. Value of lifestyle intervention to prevent diabetes and sequelae. Dall TM, Storm MV, Semilla AP, Wintfeld N, O’Grady M, Narayan KM.
Prediabetes and Lifestyle modification: Time to Prevent a Preventable Disease. Phillip Tuso, MD, FACP, FASN Perm J 2014 Summer;18(3):88-93
http://dx.doi.org/10.7812/TPP/14-002
Article publié dans le jornal de l’ALD: www.ald.lu